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Wednesday, 23. October 2024

Pourquoi il faut interdire les bombes au phosphore blanc

01.03.2009 La dernière offensive de l'armée israélienne à GAZA a remis à l'ordre du jour les effets mortels sur les sujets exposés à cette substance, et ceci dans des souffrances prolongées au-delà de toute description rationnelle.


DE QUOI S'AGIT-IL?

Le phosphore blanc est un tétra isomère (P4) du phosphore usuel. Sa température de fusion est très basse: 44,1°C, et sa température d'auto inflammation encore plus basse: 30°C
- Le phosphore blanc est d'abord fumigène, quand il se consume dans l'air il forme du pentoxyde de phosphore, P4O10. Cette substance est extrêmement hygroscopique, elle peut absorber la moindre trace d'humidité pour former des gouttelettes d'acide phosphorique. Il se forme ainsi un aérosol avec des gouttes dont la taille est idéale pour avoir une fumée blanche (théorie de Mie), et celle-ci est efficace pour se soustraire à la détection en imagerie thermique.
- Le phosphore blanc est pyrophorique. C'est la deuxième caractéristique de cette substance, autrement dit elle s'enflamme spontanément à l'air libre. Cela veut dire que chaque parcelle de phosphore qui prend contact avec l'oxygène de l'air brûle instantanément quoi que l'on fasse.

LES APPLICATIONS MILITAIRES


Les armes les plus usuelles sont destinées à faire de la fumée blanche pour camoufler, pour marquer un impact ou enfin pour se protéger de l'imagerie de détection thermique. Il s'agit de grenades ou d'obus de mortier, de roquettes et parfois de bombes.


Mais il y a aussi une longue tradition d'utilisation comme bombe incendiaire, comme celles utilisées dans le bombardement de DRESDE en 1945.

POURQUOI LES MEDECINS SONT CONCERNÉS ?

Avec Marcel Francis Kahn, après une enquête internationale sur le terrain au Viet Nam, mous avions déjà insisté sur le caractère spécifique des blessures au phosphore blanc, nous avions établi un diagnostic différentiel avec les brûlures au napalm en décrivant les 2 éléments aggravants qui expliquent à la fois l'intensité maximale de la souffrance et l'issue fatale inéluctable:
- L'inclusion des particules de phosphore blanc qui vont brûler chacune à leur rythme en fonction de leur exposition à l'oxygène de l'air (par exemple au cours de l'extirpation chirurgicale des résidus phosphorés). Tout se passe comme si l'origine des brûlures devenait chronique, permanente et inhomogène, que celle-ci soit superficielle ou profonde
- Il existe de plus un effet corrosif à la fin de la consumation du phosphore lié à l'acide phosphorique produit, ce qui va multiplier les effets délétères du phosphore blanc et expliquer aussi les effets systémiques.
- Le traitement est très controversé, car l'extirpation des particules est dangereuse par son caractère inflammable. Même avec un meilleur contrôle, cette extirpation est très difficile à cause de l'œdème considérable lié aux effets corrosifs.
Alors que pour les brûlés classique on a depuis longtemps traité avec succès des étendues de 60%, on considère pour le phosphore que le pronostic vital est en cause dès 10% de la surface corporelle.
Nous ne pouvons pas, pour ces raisons, rester silencieux devant de telles conséquences de l'utilisation massives de ce type d'arme. De plus, comme au VietNam, les victimes sont surtout des civils, et surtout des enfants.

L'UTILISATION A GAZA DES ARMES AU PHOSPHORE BLANC EST-ELLE UNE PREMIERE ?

Evidemment non. Depuis la première puis la deuxième guerre mondiale, ces armes ont été utilisées y compris contre les civils, soit comme fumigène, soit comme engin incendiaire.

Cela a été le cas au Viêt-Nam, au Nord comme au Sud, sous le surnom de; "willie pete weapons", en Irak y compris lors du dernier conflit à Falloudjia, en Tchétchénie, au Liban et à Gaza en 2006.
Ce qui est nouveau, c'est l'utilisation massive en zone urbaine à forte densité de population comme le souligne Ammnesty International (1)
Quelle est la raison de cette option militaire? Selon Joseph Henrotin (2):
« On a affaire à un paradoxe. Les Israéliens veulent combattre de nuit pour permettre de surprendre les combattants du Hamas et de les avoir aussi à la fatigue. Le problème, dans le cas de Gaza, est qu’il faut éclairer des petites rues. Les Israéliens vont effectuer des largages de leurs munitions à basse altitude avec pour but d’éclairer et de faciliter la désignation de cibles. Il s’agit de viser mieux pour éviter les civils. Le grand paradoxe est que, dans ce cas-là, vous vous retrouvez avec des débris d’armes et de phosphore en combustion qui effectivement atteignent des civils et/ou des combattants. Cela cause des brûlures assez graves. Mais c’est un dommage collatéral qui résulte assez paradoxalement de la nécessité de disposer de plus d’éclairage pour éviter les bavures. »

LES ARMES AU PHOSPHORE BLANC SONT ELLES DES ARMES CHIMIQUES INTERDITES PAR LA CONVENTION INTERNATIONALE ?

La réponse est non car elles sont désignées que comme arme incendiaire.
Par contre, et de ce fait elles relèvent du protocole III sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des armes incendiaires additionnel à la convention sur "l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques" signé en 1983 (3), sauf par les USA (mais Obama a promis de signer le protocole en 2009) et Israël.
Ce protocole a pour but d'interdire ou de limiter l'utilisation d'armes dont on considère quelles causent des souffrances inutiles ou qu'elles affectent de manière indiscriminée les soldats et les civils.

POURQUOI NOUS VOULONS A L'IPPNW L'INTERDICTION DES ARMES AU PHOSPHORE BLANC ?

Comme l'explique notre résolution ci-dessous (en annexe), Il est de notre devoir de médecin, à partir de notre expérience clinique et de notre expertise, de demander une telle interdiction, en changeant la classification, c'est à dire en considérant ces armes comme chimiques et non uniquement comme incendiaires. Nous voulons aussi que les USA, et l'ensemble des pays du Moyen Orient, Israël compris, signent le protocole et la convention pour l'interdiction des armes chimiques.
Tout en défendant le caractère spécifique de l'arme nucléaire, nous avons toujours participer au combat pour l'éradication des armes de destruction massive et les armes inhumaines comme les mines anti-personnels.
Dans le contexte actuel, face à l'augmentation inquiétante des guerres régionales lié à la crise (voir le dernier numéro de MGM), ce combat est plus que jamais nécessaire.

QUELLE EST NOTRE PRIORITE DANS LE CONFLIT DU MOYEN ORIENT ?

Quelle que soit la circonstance, quel que soit le contexte belliciste et la mauvaise conjoncture géopolitique, nous combattons et nous continuerons à agir pour la vie, pour et par la santé publique, parce qu'il n'y a pas de santé pour les 2 peuples sans la paix, et qu'il n'y a pas de paix sans prise en charge de la santé publique.
C'est pourquoi nous soutenons le programme dit de "résilience" des étudiants européens de l'IPPNW, c'est pourquoi nous soutenons toute initiative conforme à "la feuille de route médicale pour la paix".
Voici un autre exemple d'action en soutien aux équipes médicales israélo-palestiniennes de l'hôpital "Hadassah" de Jérusalem:
"Dans une région du monde déchirée par les conflits depuis plusieurs décennies, l'espoir est parfois l'une des dernières choses auquel les hommes peuvent se raccrocher. Depuis plus de deux ans, dans un hôpital de Jérusalem, des enfants ont pu se faire soigner gratuitement quelque soient leurs origines et leur religion. Depuis plus de 2 ans, le service de cardiologie pédiatrique de l'hôpital israélien de Hadassah a réalisé plus de 100 opérations cardiaques pour des enfants palestiniens qui n'auraient pas pu être sauvés autrement, dans le cadre du programme Un Coeur pour la Paix .Quand on évoque en général le conflit Israélo Palestinien, les attitudes de cynisme et de scepticisme viennent perturber toute démarche qui tend vers la paix. Vue la complexité, du conflit on pourrait se laisser aller à l'inaction et perdre toute forme d'espoir parce que l'on a toujours l'impression que l'altruisme ne peut s'exercer qu'en faveur d'un camp et en défaveur de l'autre.Il existe pourtant des causes qui nécessitent un combat et de se placer au delà de toutes formes de discorde et de parti pris.

Un Coeur pour la Paix : une démarche humaniste qui se situe au delà de tout parti pris.
Les enfants palestiniens atteints de cardiopathies congénitales souvent mortelles peuvent se faire soigner gratuitement et recevoir les mêmes soins que les enfants juifs ou arabes israéliens. Cette pathologie nécessite une chirurgie de pointe qui existe dans le cadre du service de cardiologie et de chirurgie pédiatriques. Au sein de l'hôpital Hadassah, ces enfants sont soignés par des médecins israéliens comme palestiniens. 
L'action d' Un Coeur pour la Paix a pour but de permettre à plus d'enfants palestiniens de pouvoir bénéficier des soins de haut niveau dispensés à l'hôpital Hadassah". (4)
La sauvagerie des guerres modernes comme à Gaza nous révolte comme citoyen et comme médecin, car il s'agit de crimes de guerre. La santé n'est pas tout, l'AMFPGN le sait bien, mais pour nous c'est le bien le plus précieux.


BIBLIOGRAPHIE :

1-Amnesty International, les armes au phosphore blanc à Gaza, www.amnesty.fr
2- Joseph Henrotin, cité dans l'article de GERALD PAPY; "guerre de Gaza, arme "légale" usage discuté"libre Belgique 14/01/2009, lalibre.be
3-les armes au phosphore point de vue de la CICR, pays signataires: www.icrc.org
4-www.uncoeurpour la paix.org

 

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