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Il faut fermer les réacteurs de Doel et Tihange

Déclararation de l’Assemblée générale de la branche allemande d’IPPNW

21.05.2016 À l’occasion de notre assemblée générale annuelle du 21 mai 2016,nous,membres de la branche allemande d’IPPNW (International Physicians for the Prevention of Nuclear War) exhortons le gouvernement belge à fermer les réacteurs nucléaires de Doel et de Tihange avec effet immédiat. Nous soutenons la ville d’Aix-la Chapelle et les états fédéraux de Rhénanie du nord-Westphalie et de Rhénanie-Palatinat dans leurs procédures judiciaires contre la poursuite du fonctionnement de ces deux centrales nucléaires. Nous exhortons le gouvernement allemand à réclamer la fermeture immédiate de ces réacteurs nucléaires à tous les niveaux politiques de l’UE.

Les plans de la Commission européenne pour subventionner l’énergie nucléaire doivent être clairement rejetés. Il faut au contraire encourager letournant énergétique pour atteindre 100 % d’énergie renouvelable sous le contrôle des communautés et des citoyens, les innovations en matière de réseaux et de stockage, l’efficacité énergétique et les mesures d’économie d’énergie.

Les réacteurs nucléaires de Doel et de Tihange, qui ont été mis en route en 1975, auraient dû être fermés en 2015 après une durée de fonctionnement de 40 ans. Mais ils sont toujours en fonctionnement, malgré de multiples évidences d’incidents et des menaces terroristes concrètes. Ils représentent un risque quotidien et une véritable menace pour les quelque 3 millions d’habitants qui vivent à proximité immédiate des deux centrales nucléaires (dans un rayon de 30 Km) et pour les 46 millions de personnes dans toute la région qui, en cas de fusion du cœur, subiraient les retombées radioactives.

Outre les pannes des systèmes de refroidissement suite à des catastrophes naturelles, les défauts techniques ou les erreurs humaines, les actes de sabotage, les attaques terroristes ou les cyberattaques par des hackers ou des “chevaux de Troie” constituent également des sources de danger réelles. De surcroît, des milliers de fissures ont été observées dans la cuve du réacteur de Doel3 et celle de Tihange 2, ce qui oblige à préchauffer le liquide de refroidissement à 40°C pour protéger les réacteurs. Les cuves délabrées n’offrent plus suffisamment de réserves de sécurité ; des incidents même relativement minimes pourraient donc provoquer une fusion du cœur.

Une fusion comme celle qui s’est produite il y a 30 ans à Tchernobyl ou à Fukushima il ya 5 ans entraînerait une contamination radioactive généralisée. Selon le type d’accident, la direction du vent et les conditions météorologiques, cette contamination affecterait non seulement les villes principales de Belgique et des Pays-Bas, mais pourrait aussi nécessiter l’évacuation de villes allemandes. Les conséquences sur la santé publique, les effets sociaux pour les communautés qui seraient obligées d’accueillir et de gérer des millions d’évacués et les dégâts économiques pour le pays, les états fédéraux, les municipalités et les citoyens, sont incalculables.

Le triangle Belgique - Pays-Bas -Allemagne est l’une des régions les plus peuplées et les plus dynamiques du monde. Les conséquences de la fusion d’un réacteur nucléaire pour cette région et la perte de villes comme Liège, Anvers, Bruxelles, Maastricht, Amsterdam, Rotterdam, Aix-la-Chapelle, Cologne ou Düsseldorf seraient nettement plus catastrophiques qu’à Tchernobyl ou Fukushima.L’ancien Premier ministre Naoto Kan a déclaré que seule une « divine Providence » avait permis d’éviter la contamination radioactive et l’évacuation forcée de Tokyo en 2011. Selon Kan, ce scénario aurait signifié l’effondrement économique du Japon. Tokyo est situé à quelque 200 km de distance des réacteurs délabrés. Or la distance qui sépare Tihange d’Aix-la-Chapelle n’est que de 60 Km ; il n’y a que 110 km jusqu’à
Mönchengladbach et 130 jusqu’à Düsseldorf et Cologne.

En tant que médecins, nous tenons à rappeler qu’en cas de catastrophe nucléaire, il est quasiment impossible de fournir une assistance médicale utile et efficace. Dans les trois pays, on ne dispose pas des plans de préparation d’urgence, de la formation, des compétences, des infrastructures et des mesures de sensibilisation du public qui permettraient  de réagirde manière adéquate en cas d’urgence. Comme à Tchernobyl, comme à Fukushima, ce serait le chaos, la panique et les querelles de compétences, et les mesures nécessaires comme la prise rapide de pastilles d’iode ne seraient pas prises par manque de préparation et d’information. On assisterait sans doute à des flux de réfugiés totalement désordonnés.

Aix-la-Chapelle est la première ville au monde à avoir commencé à préparer sérieusement ses citoyens à la possibilité d’une catastrophe nucléaire. En 2013, une simulation allemande impliquant toutes les autorités nationales compétentes a montré l’échec total des plans d’urgence allemands. La situation en Belgique ou aux Pays-Bas n’est pas meilleure. Tant que les centrales nucléaires sont en fonctionnement, il faut absolument intensifier et élargir la formation aux scénarios d’évacuation, la coordination des opérations d’assistance et de secours et la consultation des autorités nationales et locales dans les pays mêmes et entre ces trois pays.

Une vaste étude épidémiologique du registre allemand des cancers infantiles a démontré que, même dans de conditions normales, le fonctionnement des centrales nucléaires comporte un risque : plus les jeunes enfants vivent près d’une centrale, plus le risque est grand pour eux de contracter un cancer, en particulier une leucémie.

Pour nous à IPPNW Allemagne, nous voyons l’arrêt immédiat des centrales nucléaires comme la seule réponse responsable à ces conclusions et appelons tous les décideurs politiques de Rhénanie du nord-Westphalie, d’Allemagne et d’Europe à s’engager fermement en ce sens. La «roulette russe» qui se joue actuellement avec la vie et les moyens de subsistance des populations potentiellement affectées n’est pas tolérable.

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