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Note critique au sujet du rapport de l'UNSCEAR d'octobre 2013

Note soumise à l’assemblée générale de l’ONU.

28.10.2013 “Pour nous, médecins, ce rapport de l’UNSCEAR sous-estime systématiquement l’impact sanitaire de la catastrophe de Fukushima”

Une lettre de PSR (USA), IPPNW (Allemagne) AMFPGN (France), PSR (Suisse), AIMPGN (Italie), PSR (Malaisie), DAMP (Hollande) et du mouvement pour l’indépendance de l’OMS, Centrale Nucléaire et Santé.

En tant que médecins praticiens concernés par les effets des retombées radioactives sur l’écosystème et la santé publique, nous avons réexaminé le rapport de l’UNSCEAR (united nations scientific committee on the effects of atomic radiation) pour l’assemblée générale de l’ONU. Nous apprécions les efforts des membres de l’UNSCEAR pour évaluer les données nombreuses et complexes concernant la catastrophe de Fukushima. Même si des éléments de ce rapport seront très utiles pour apprécier dans l’avenir les conséquences de la fusion du cœur des réacteurs nucléaires, nous croyons cependant que le rapport 2013 de l’UNSCEAR sous estime la véritable dimension de la catastrophe. La plupart des suppositions sont basées sur les 2 rapports OMS/AIEA publiés en mai 2012 et février 2013 qui ne représentent pas exactement  la véritable dimension de l’exposition aux radiations. De plus, ils ignorent les émissions radioactives en cours depuis 2 ans et demie et excluent les effets non cancéreux des radiations.

Nous avons relevé dans le rapport actuel de l’UNSCEAR dix sujets très critiquables qui appellent de notre part les objections suivantes:

1 C’est principalement l’orientation du vent [vers l'océan] des premiers jours qui a empêché une plus grande catastrophe sur le Japon.

2 La catastrophe nucléaire continue et elle est donc la source d’émissions radioactives nouvelles.

3 Les estimations des émissions radioactives comme de l’exposition devraient être basées sur des sources indépendantes.

4 Les recommandations japonaises pour les produits [agricoles]  de Fukushima  [ont un seuil d'acceptabilité trop élevé] et donc augmentent le risque de contamination radioactive.

5 La technique de détection “corps entier” sous estime l’importance de la contamination radioactive.

6 Les employés de TEPCO ne peuvent pas se fier aux évaluations des doses fournies.

7 La vulnérabilité particulière des embryons aux radiations devrait être prise en compte.

8 Les tumeurs de la thyroïde comme les autres cancers exigent un suivi de plusieurs dizaines d’années.

9 Ce suivi doit aussi concerner les maladies radio induites non cancéreuses et les effets génétiques.

10 La comparaison des mesures de la retombée radioactive avec le bruit de fond est trompeuse.

On a diagnostiqué un cancer de la thyroïde chez 18 enfants de Fukushima, et 25 autres ont des biopsies suspectes de malignité. Bien qu’il ne soit pas possible de déterminer si ces cancers sont radio induits ou non, les statistiques japonaises fixent leur incidence à 1 cas de cancer de ce type par an pour cette population. Par ailleurs, le nombre de cas est probablement plus élevé puisqu’environ les 2/5 des 369813 enfants exposés de Fukushima n’ont pas encore eu leur première échographie et environ la moitié des enfants avec des résultats suspects sont en attente d’une confirmation complémentaire [éventuellement par biopsie]

Le gouvernement n’a pas réussi à protéger les enfants en refusant de distribuer de l’iode stable et en augmentant le seuil des doses annuelles admissibles à 20 mSv [au lieu de 1 mSv] , ce qui a obligé beaucoup d’enfants à vivre dans des zones contaminées par les radionucléides.  Les responsables scolaires sont coupables d’avoir ignoré les “points chauds” situé juste à quelques pas à l’extérieur de l’école, ils ont de plus réintroduit le riz [potentiellement contaminé] dans les cantines scolaires. En outre le gouvernement presse les gens de retourner dans leurs maisons situées dans les zones évacuées alors que les tentatives de décontamination ont échoué et sont loin des résultats espérés.

Réduire les effets médicaux de la catastrophe nucléaire de Fukushima à une seule estimation statistique en affirmant que: ” Au sujet des effets sur la santé des personnes exposées aux radiations, aucune incidence accrue n’est attendue” est cynique et ne tient aucun compte du vécu individuel de milliers de familles en souffrance. Les prévisions peuvent seulement être aussi crédibles que des présomptions s’appuyant sur des données objectives, encore faut-il que ces études ne soient pas fondés sur d’obscures mesures effectuées pour les seuls intérêts de l’industrie nucléaire. Dans leurs études, l’UNSCEAR pourrait utiliser des données indépendantes, et pour le moins reconnaître les incertitudes inhérentes aux doses estimées. La commission pourrait aussi prendre en compte la vulnérabilité des groupes à risques, décrire toutes les fourchettes de doses possibles, analyser les effets des radiations sur le biotope non humain, et enfin intégrer les données les plus récentes sur les émissions radioactives. Ceci permettrait à l’UNSCEAR de propose un tableau réaliste des effets qui peuvent advenir dans les dix années suivantes, liés aux retombées et à la contamination radioactive en y incluant des estimations prospectives à propos des cancers de la thyroïde, des leucémies, des tumeurs solides mais aussi des maladies non cancéreuses et des anomalies génétiques, à l’image des données fournies par le suivi des populations contaminées autour de Tchernobyl.

Les événements de Fukushima n’ont heureusement pas conduit au pire scénario possible eu égard à la direction du vent [qui aurait pu être d'emblée à direction terrestre] . Cet élément est un facteur important à considérer pour les futures directives de sécurité nucléaire et les nouvelles normes. Il est crucial pour les médecins et les personnels de santé de comprendre les conséquences exactes des expositions aux radiations pour exercer une surveillance adéquate de tous les personnes contaminées par des radionucléides. Ce qui est ici en jeu ne se limite pas seulement à l’exigence d’une recherche scientifique indépendante, et donc non soumise aux lobbies dominants, mais aussi  au droit universel de chaque être humain à avoir un standard de vie adapté à sa santé et à son bien-être. En ce qui nous concerne, ceci représente le principe de base qui nous guide dans l’évaluation du drame humain de Fukushima.

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